Par ces temps de bouleversements écologiques, «Eco-Lab», un projet conçu par de jeunes chercheurs tunisiens et étrangers, basé sur l’exploration cognitive des plantes comme une espèce intelligente non humaine dans des dispositifs artistiques et scientifiques, sera présenté lors d’une exposition solo de l’artiste émergente Jihen Ben Chikha, fin 2021 à Montréal QC, Canada. L’exposition sera dirigée par la commissaire Mylène Lachance-Paquin, diplômée de l’UQAM et dont la pratique commissariale se centre sur l’art actuel et contemporain.
Le travail collaboratif de Jihen Ben Chikha, une artiste en arts visuels et médiatiques et chercheuse, Ahmed Halioui, un scientifique des données, et Amine Remita un bio-informaticien, a porté ses fruits après environ 14 mois de recherche scientifique, recherche-création et expérimentation. Leur projet, intitulé «Eco-Lab Device» a rendu tangibles les données scientifiques des végétaux qui étaient généralement confinées à des représentations graphiques ou dans des listes de chiffres, par le biais des médiums technologiques et médiatiques.
Ce projet, qui est en cours de création, s’inscrit dans la continuité d’une démarche artistique visant à mettre en lumière la circulation d’une infinité de données invisibles des végétaux et à présenter autrement l’information scientifique afin de dévoiler une partie de la relation entre l’homme, l’environnement et les systèmes de données. Il ouvre aussi de nouvelles pistes pour redéfinir les problèmes actuels de l’anthropocène et de la biodiversité. En tout, il se veut une alternative pour inciter un engagement social, poser des questions sur le devenir écologique ou proposer des réponses spéculatives.
En se reposant sur une étude du phénomène physico-chimique des espèces végétales par le biais du médium technologique, l’équipe a essayé d’explorer le système biologique et écologique qui nous entoure et de le retracer en traduisant une énorme quantité de données invisibles des plantes dans un matériau artistique.
Ils ont commencé par mesurer et analyser des échantillons de données des plantes en prenant en considération leurs aspects météorologiques et phénoménologiques à savoir la température, l’humidité, la qualité du sol, la quantité de l’eau etc, pour prédire des informations futuristes sur ces plantes.
L’équipe a créé un dépôt de données qui s’est transformé, en alliant arts numériques, biotechnologie et sciences, en une installation artistique et un design spéculatif. Ainsi, ils ont adapté une nouvelle perspective de trucage et de prédiction aux plantes et à l’interaction humaine.
Pour les trois collaborateurs, c’était un vrai défi de changer leurs modes de réflexion habituels et d’ouvrir le champ des possibles. Mais quand même, leurs regards se sont croisés et leurs disciplines se sont alliées et ils ont essayé de créer de nouvelles formes narratives qui sortent de l’ordinaire et qui donnent au public la chance d’observer les plantes de tout près et de s’immerger dans le monde de la biologie végétale.
Jihen Ben Chikha, l’artiste diplômée de l’Isbas, pour sa parts, admirait les plantes, leurs couleurs et leurs mouvements. Elle s’est donc inspirée et elle a commencé à consacrer sa recherche sur les mystères de ce monde végétal, jusqu’au moment où elle s’est trouvée en plein cœur de la science des données des plantes avec Ahmed et Amine qui n’ont jamais pensé, eux-mêmes, à marier les chiffres, schémas et graphiques avec des installations artistiques et leur attribuer une vision esthétique. Ça leur a permis, tous les trois, d’explorer ensemble de multiples approches exprimant et éveillant curiosité et créativité.
Ce projet a été soutenu financièrement par “Culture Resource” (AlMawred Al- Thaqafy) et par l’entreprise My Intelligent Machines, spécialisée en intelligence artificielle. Il contient 3 dispositifs principaux qui visent à attaquer les problèmes d’ancrage de certaines connaissances sur les plantes et prédire certains aspects phénoménologiques. Ils ont créé une machine autonome qui expérimente, redessine et retrace l’interaction de l’espèce avec son environnement physique en temps réel. Ils ont également regroupé les données biologiques des plantes dans une composante cinétique. Il s’agit d’un dispositif interconnecté inspiré de la forme d’un champignon dont les tiges fonctionnent et se tendent selon la réception de ces données. Un laboratoire de recherches où seront exposées les plantes sous les lampes ultraviolet et sur des supports personnalisés et connectés, représente une autre partie de ce projet. L’artiste Jihen Ben Chikha a décidé de garder l’ambiance d’un vrai laboratoire de recherches, où les fils et les capteurs seront visibles pour les visiteurs. Ça facilite, selon elle, la compréhension de la circulation des données et ça rend l’expérience utilisateur encore plus réelle et amusante.
D’ailleurs, la spécificité de ce projet n’est pas limitée uniquement à l’intersection entre art, design, biotechnologie et sciences. Ce projet est bel et bien marqué par l’intégration des expériences directes des participant.e.s dans les créations et les installations qui s’actualisent avec la participation du public. Il met en avant l’expérience utilisateur ou spectateur à travers des messages affichés ou imprimés sur des papiers biodégradables et recyclables, permettant au spectateur d’interagir avec les dispositifs présents dans la salle d’exposition.
Les créateurs de ce projet nous invitent à découvrir des collaborations multidisciplinaires, à travers différentes perspectives innovantes et artistiques et à spéculer sur notre futur et le devenir écologique, autrement.